Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Anthropologie etc. - Page 2

  • L’altérité à l’heure de la post-colonialité - fin

    Suite de l'article L’altérité à l’heure de la post-colonialité ...

    Bien plus encore, les œuvres contemporaines produites par les artistes issus d’Afrique sont désormais l’expression, plus ou moins directe et explicite, d’une confrontation entre peuples colonisateurs et colonisés. Ces derniers seraient des héritiers d’un biculturalisme encombrant et d’un passé colonial douloureux. Une situation qui aura fortement marqué leur trajectoire personnelle autant que leur histoire qui se retrouve immanquablement dans les œuvres ; lesquelles intègrent des thèmes ou des représentations attestant de l’influence occidentale et de la modernisation. Leurs productions matérielles témoignent donc d’un changement radical par rapport aux formes artistiques les plus traditionnelles qui continuent quant à elles d’être reproduites et commercialisées par le biais du marché touristique dit « airport art » et d’une réelle forme d’innovation esthétique.

    Comme l’a relevé J. Clifford (1995), leur « post-modernité » s’exprime à travers un paradoxe : celui d’un néo-traditionalisme qui s’apparente à de l’art contemporain international nourri d’universalisme tout en affirmant la spécificité et l’irréductibilité des valeurs culturelles indigènes « immémoriales ». Ce multiculturalisme à la mode cohabite avec une conscience ethnique exacerbée. On pourrait ainsi parler avec C. Graille (2003) d’un « art moderne ethnique ». Ce qui explique de nos jours cet engouement porté pour une tendance tribale ou ethnique à son tour inscrite dans un phénomène social plus ample (anti-mondialisation, post-modernisme).

    Les artistes Bamum contemporains pour ne prendre que cet exemple, bien qu’étant d’une certaine manière affranchis d’un traditionalisme jugé réducteur et anti-créatif, se trouvent en même temps contraints sous une forme implicite voire inconsciente, à ne pas s’écarter d’une esthétique qui permette, peu ou prou, de les identifier d’un point de vue ethnique. Leurs objets n’accèdent ainsi aux espaces d’exposition naissants qu’à condition de se conformer aux canons d’une esthétique contemporaine « post-coloniale », autrement dit « ethnique » ou « identitaire ».

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES.

    - HEGEL, G.W.F., Leçon sur l’histoire de la philosophie. Introduction, bibliographie et philosophie orientale : VRIN, coll. Textes philosophiques.

    - LOUMPET, G., « Patrimoine culturel et stratégies identitaires au Cameroun, analyse d’un mécanisme intégratif transposé » in Enjeux, bulletin d’analyses géopolitiques pour l’Afrique Centrale, 2003.

    -GUERIN Michel,  Le temps de l’art : Anthropologie de la création des Modernes,  Actes Sud 2018

    LOUMPET- GALITZINE, A., « Le marché de l’art africain : réflexion à propos d’un commerce inégal » in Enjeux, bulletin d’analyses géopolitiques pour l’Afrique Centrale, 2003.

    - MBONJI, E., Les cultures-vérité. Le soi et l’autre. Ethnologie d’une relation d’exclusion, Yaoundé : Etoile, 2000.

    - Ouvrage collectif, L’Autre et nous, « scènes et types ». Anthropologues et historiens devant les représentations des populations colonisées, des « ethnies », des « tribus » et des « races » depuis les conquêtes coloniales, Paris : A.C.H.A.C., coll. SYROS, 1995.

    - RHODES. C., Le Primitivisme et l’art moderne, Paris : Thames and Hudson, coll. l’Univers de l’art, 1997.

    - TELERAMA, Trésors d’autres mondes. Les arts premiers entrent au Louvre, Paris, magazine hors-série, 2001.

    - THOMAS, N., Possessions. Indigenous art, colonial culture, London : Thames and Hudson, 1999.

    - WILLETT, F., L’art africain, Paris : thames and Hudson, coll. l’Univers de l’art , version française, traduction de Catherine Ter-Sarkissian, 1990.

  • L’altérité à l’heure de la post-colonialité

    Plus que jamais, la culture est au centre d’un enjeu politique d’envergure au point de servir de puissant instrument d’assimilation, de décivilisation et de dénivellement. C’est ce dont témoigne la naissance à la fin du XIXe siècle d’un art africain fortement imprégné du courant évolutionniste ; un paradigme fondé sur l’analogie d’une évolution biologique et stratigraphique et une évolution culturelle. C’est dans cette perspective, qu’en dépit de l’intégration de l’art nègre dans les catégories de l’esthétique, l’ensemble de la production matérielle africaine est dorénavant utilisée pour jeter une passerelle entre l’art et l’ethnographie. On observe ainsi un intérêt croissant du monde occidental pour la sculpture africaine de nos jours.

    Dans un tel contexte, l’Afrique est célébrée pour sa sculpture considérée dans le monde occidental comme une forme artistique extrêmement évoluée et sophistiquée avec des milliers d’années d’histoire derrière elle. Elle est même parfois considérée comme une subdivision de l’« art primitif », concept issu de l’évolution darwinienne. Il découle ainsi d’une théorie émanant de L. de Vinci selon laquelle, la peinture, en vogue en Occident, serait la forme d’art la plus élevée et la dernière à avoir émergée. Ce qui mène dès lors à la conclusion que les sociétés ne possédant que les sculptures sont attardées. En dépit de la découverte des peintures rupestres datant de l’âge de pierre qui vint annuler ou relativiser cette théorie, l’idée d’un « art primitif » africain arriéré ou originel a persisté, confortant ainsi l’idée de Hegel qui suggérait déjà l’exclusion de l’Afrique du monde historique.

    Ainsi, l’expression « art primitif » héritée des anthropologues du XIXe siècle qui considéraient l’Europe de leur époque comme l’apogée de l’évolution sociale connaît encore de beaux jours même si elle se révèle dans son acception courante comme un concept négatif. Elle est alors définie comme appartenant aux régions ne faisant pas partie des traditions occidentales et orientales tournées vers la modernité. Il s’agit donc assurément d’une définition ethnocentrique. Il apparaît évident à travers cette forme d’approche que les études en art portant sur les régions jusque là peu connues de l’Occident n’avaient d’autres buts que la recherche de l’origine première de l’art en la sculpture. C’est ce qu’atteste du reste le recours à l’euphémisme d’« art premier ». Ce qui suppose que l’art extra-occidental soit antérieur à tout autre. Toute chose qui pose fort mal le problème de l’origine et d’une éventuelle perspective historique linéaire en laquelle viendrait sagement se ranger les cultures.



    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES.

    - AMSELLE, J.L., Doit-on exposer l’art africain ?, Le musée cannibale, Gonseth, 2002.

    - LEFEUVRE Daniel, Pour en finir avec la repentance coloniale,  Flammarion Collection : Champs Actuel, 2008

    - COLIN, R., Le Primitivisme et l’art moderne, Paris : Thames and Hudson, coll. L’Univers de l’art, 1997.

    - DELE, J., Western might, African voice. African art at the dawn of another millenium,1998.

    - DUPAIGNE, B., Quels musées d’ethnographie pour demain ? Quel avenir pour les collections extra-européennes ?, Paris : Musée de l’Homme, 1993.

    - GRAILLE, C., Primitifs d’hier, artistes de demain : l’art kanak et océanien en quête d’une nouvelle légitimité, 2003.

  • Anthropologie et scepticisme

    Johannes Fabian a montré, dés le début des années 80, que le discours de l’anthropologie était généralement « allochronique », c’est à dire basé sur le déni d’un temps intersubjectif, ou encore, plus simplement, sur un déni de la communication qui ne peut pourtant manquer de se nouer entre l’anthropologue et ceux qu’il observe. Cette idée est fondatrice d’une autre façon de pratiquer l’anthropologie. Ses implications sont évidemment méthodologiques, mais aussi politiques dans la mesure où reconnaître qu’une communication peut se produire entre l’observateur et l’observé équivaut à rompre une relation asymétrique qui voit généralement le premier (l’observateur) établir une supériorité par rapport au second, presque à son insu, par le simple fait de le constituer en objet scientifique.

    Il semble pertinent de prolonger ce débat théorique en le passant au crible de la philosophie du langage ordinaire américaine au travers de trois philosophes : Wittgenstein, Austin et Cavell. Pour ce faire, nous nous réfèrerons à une situation ordinaire, une jeune mère qui parle à son enfant en public. L’analyse interactionnelle de cette scène, engagée à partir d’indices observables, tend à montrer que cette jeune femme est en train de produire une communication élaborée, référée à plusieurs niveaux d’interlocuteurs : un interlocuteur superficiel (son enfant) ; des interlocuteurs implicites (les parents qui passent). Mais cette stratégie discursive semble aussi détournée d’une finalité qui elle même semble indistincte. Cette situation permet de considérer, avec Austin, le langage comme un lieu d’accord ou un lieu de rupture, ou encore le mode permettant de s’entendre sur cette façon une de décrire et de comprendre le monde. Si l’on revient à l’exemple choisi, cette jeune femme semble entrevoir que le langage tend vers la possibilité de sa rupture, la possibilité de son échec, de sa non reconnaissance. En ce sens elle est en train de tester son « échantillon », c’est à dire sa valeur de représentativité, sa capacité à parler au nom des autres. En ce sens, elle est aussi en train d’affiner sa perception de la situation avec des mots, c’est à dire qu’elle ne fait pas que communiquer ; elle crée aussi un cadre de perception pour tâcher de comprendre sa propre situation. Elle pratique ce que nous faisons tous, et qui est compris dans le scepticisme tel qu’il est défini par Cavell : non pas « pouvoir savoir », soit le scepticisme au sens classique portant sur la connaissance (ce que je peux connaître) ; mais « vouloir savoir », ce qui renvoie à un scepticisme sur ma reconnaissance, sur mon intimité avec le autrui (Laugier (article Cavell ), soit le projet de la philosophie sceptique tel qu’il est formulé par Cavell. Nous entrevoyons alors tout l’apport de la philosophie sceptique pour l’anthropologie.

     

    Bibliographie

    Austin John Langshaw, Comment parler ?, trad. fr. dans langage, juin 1966.
    Ecrits philosophiques, trad.fr. Lou Aubert et Anne-Lise Hacker, Paris, Edition du Seuil, 1994.1971, (édition originale 1967),
    Le langage de la perception, texte établi d’après les notes manuscrites de l’auteur par G.-J. Warnock, trad. franç. Paul Gochet, Paris, éditions Armand Colin. 1970, (édition originale 1962)
    Quand dire, c’est faire, trad. franç. Gilles Lane, Paris, éditions du Seuil.
    - Bouveresse Jacques, La Parole Malheureuse, Mythe et Intériorité chez Wittgentetin , Edition de Minuit, 1971.
    Cavell Stanley. The Claim of Reason, Oxford University Press, 1979, tr.fr. LesVoix de la raison, Seuil, « L’ordre philosophique », 1996.
    A Pitch of philosophy, Harvard University Press, 1994.
    Must We Mean What We Say ?, Cambridge University Press, 1969.
    Une nouvelle Amérique encore inapprochable, Paris, l’Eclat, 1991.
    Foucault, Michel. « Il faut défendre la Société ». Cours au Collège de France. 1976, Hautes Etudes, Gallimard / Seuil, 1997.
    Dits et écrits II, 1976-1988, Quarto Gallimard, 2001

    Napoléon : Mon ambition était grande, Thierry Lentz, Gallimard, 1998, 160 pages (livres sur Napoléon)
    Goffman, Erving. Asiles. Etudes sur les conditions sociales des malades mentaux, Ed. De Minuit, 1968.
    La mise en scène dela vie quotidienne, aux éditions de Minuit, le sens commun.1973.
    1. La présentation de soi.
    2. Les relations en public
    Les rites d’interaction, aux éditions de Minuit, le sens commun.1974
    Stigmates. Les usages sociaux des handicapés aux éditions de Minuit, le sens commun, 1975.
    Façon de parler, aux éditions de Minuit, le sens commun.1981.
    Les cadres de l’expérience, aux éditions de Minuit, le sens commun, 1981.
    Gumperz John. Language and Social Group. Palo Alto,CA, StanfordUniversity Press. 1971.
    Language and social identity. Cambridge University Press 1982
    Discourse stratégies. Cambridge Univesity Press, 1982.
    Engager la conversation, Les Editions de Minuit, Le sens commun, 1989.
    Sociolinguistique interractionnelle, une approche interprétative, université de la Réunion, URA 1041 du CNRS, l’Harmattan, 1989.
    Grice H. Paul. Logic and Conversation, in Cole et Morgan J.L. Eds
    Laugier Sandra. Recommencer la philosophie : La Philosophie Américaine aujourd’hui, Paris, P.U.F. 1999a,
    Du Réel à l’Ordinaire : Quelle Philosophie du Langage aujourd’hui, Paris, Librairie Philosophique J.Vrin. 1999b,
    Scepticisme et Comédie, Cavell entre Witgenstein, Emerson et Thoreau, in Esprit, mai 1999 c
    Wittgenstein, Ludwig. Recherches philosophiques, MacMillan, New Yorck, Oxford, Blackwell, 1953.
    De la Certitude, tr. fr. par Jacques Fauve, Edition Gallimard, 1976.
    Investigations philosophiques, trad.fr. par Pierre Klossowski, Paris Gallimard, 1961.