Dans un deuxième terrain sur l’Allemagne au moment de la chute du mur, j’ai abordé la recherche sous l’angle plus classique de l’anthropologue qui cherche à comprendre la société est-allemande inconnue et qui veut percer l’énigme de l’événement de la fin subite du socialisme réal existant que les sciences sociales n’arrivassent pas à expliquer.
Dès le début de ma recherche en 1990 j’étais sollicitée par les acteurs dans les entreprises où je faisais ma recherche en tant que traductrice utilisée par les Allemands de l’Est pour se présenter et s’expliquer à ceux de l’Ouest. Pendant la première année sur le terrain j’ai pu enquêter librement dans les entreprises dans un « vide de pouvoir » puisque les hiérarchies anciennes de l’économie du plan s’étaient effondrées et les nouveaux rapports de pouvoir de l’économie de marché n’avaient pas encore pris effet. La situation se révélait dans toute son exceptionnalité quand elle se terminait en 1991 et j’étais prise au milieu de luttes de pouvoir et d’appropriation féroces au sein des entreprises. J’étais appelé à choisir mon camp, à prendre position et aussi à expliquer la logique du nouveau système économique et ses rapports de pouvoirs et de contrôle aux acteurs dans les entreprises. Cette intervention a du avoir été efficace parce que j’étais priée par les managers dans deux des trois entreprises d’arrêter mon enquête parce que ma présence rendait les ouvriers trop impertinents.
C’est enfin la découverte douloureuse de l’économie du marché par les ouvriers et employés dans les entreprises, et leurs regards extérieurs et critiques sur le fonctionnement de l’économie du marché décalé par rapport à celui des Allemands de l’Ouest, qui a guidé l’écriture de mon livre.
Quand le livre sur ces enquêtes est sorti en Allemand les trois entreprises avaient déjà fait faillite et leurs employés s’étaient dispersés. Ceux qui ont reçu le livre ne m’ont jamais fait de commentaire. J’avais donc de nouveau produit la chronique d’une époque. Quand je regarde les critiques de mon livre dans les journaux allemands c’est probablement le rôle de traductrice qui m’avait été assigné par les acteurs qui a eu le plus d’impact. Les compte-rendus du livre insistent sur la richesse et l’originalité de mon analyse des transformations dans les entreprises est-allemandes (merci !) mais ils passent sous silence ma critique de l’économie de marché avec laquelle j’aurais voulu avoir un impact sur le présent.
bibliographie
Anthropologie économique, Pierre Bourdieu
https://www.editions-saphira.com/produit/reinventing-organizations-frederic-laloux/
La nouvelle école capitaliste
Anthropologie économique - 2e édition, de Francis Dupuy
La nouvelle anthropologie économique Caroline Dufy, Florence Weber