Voici un ouvrage qui servira d'appui aux cours d'anthropologie culturelle de la mondialisation :
L’humanité va mal. Amin Maalouf n’est pas le premier à l’écrire ; il avoue d’ailleurs s’inscrire dans la lignée ou en contradiction de nombreuses théories. Mais au sortir d’une première partie - "Les victoires trompeuses" - qui fait l’état des lieux communs sur les dérèglements qui secouent l’humanité, on craint le ressassé improductif. C’est pourtant mal connaître l’écrivain et essayiste que d’imaginer le prendre au piège du bavardage autocentré auquel s’adonnent bon nombre de ses confrères. Une puissante empathie, un altruisme sincère et une vision éclairée d’un monde en passe d’atteindre "son seuil d’incompétence morale" guident cet essai captivant. En témoignent une démonstration éloquente de la perte de légitimité des puissants à travers les parcours d’Atatürk et surtout de Gamal Abdel Nasser, le président égyptien qui s’opposa à l’Occident et tenta d’unir les nations arabes.
Car non seulement le regard d’Amin Maalouf fouille l’histoire des hommes dans ces plus obscurs recoins, mais son sens de la narration exalte sa pensée et guide son message jusqu’à nous. Ainsi apprend-on que les Mandéens, peuple vivant en Iraq depuis quatorze siècles, est en passe de disparaître à cause des violences commises dans le pays depuis l’intervention américaine. Une séquelle alarmante parmi d’autres de l’accélération du ‘Dérèglement du monde’. Alors l’auteur, qui se reconnaît à la fois dans la civilisation occidentale et dans la culture arabe, tente de tracer les voies d’une "coexistence harmonieuse" et d’une action groupée des peuples contre le cataclysme qui menace.
La culture, selon Maalouf, doit être le vecteur de cette "réconciliation", pour vaincre les querelles de clocher qui embrasent le village global. Un essai pour penser le tumulte et repenser les règles qui le régissent.